Bernard Farcy prend encore du galon
Une minisérie historique où de longues séquences d’archives documentaires alternent avec les scènes de fiction, c’est inattendu. Un téléfilm où le réalisateur endosse lui-même le rôle du narrateur sous la forme du « Je me souviens… », encore plus. Ce ne sont pas là les moindres surprises du Grand Charles, trois heures trente bien serrées et sans esbroufe sur la traversée du désert du général de Gaulle entre sa démission de la présidence du Conseil en janvier 1946 et son retour au pouvoir en mai 1958. Car Bernard Stora a fait un sacré pari en confiant le rôle-titre à Bernard Farcy, connu jusque-là comme commissaire bas du front dans les Taxi. Le français châtié de Charles de Gaulle, mâtiné de citations de Corneille, ça change des « Con-nichon-ouah » et autres dialogues spirituels de Luc Besson… Or Farcy se révèle crédible dans ce rôle écrasant, à l’unisson d’une distribution impeccable (Danièle Lebrun, Denis Podalydès, Grégori Derangère…). Le film étonne tout aussi agréablement par ses longs développements d’épisodes oubliés ou méconnus de l’histoire contemporaine (le projet d’union franco-britannique initié par Jean Monnet pour éviter l’armistice avec l’Allemagne nazie en juin 1940, la rencontre d’Anfa entre de Gaulle et Giraud en 1943) comme par sa vision sans fard du 13 mai 1958 décrit comme un complot puis un coup d’Etat. S’il semble parfois verser dans l’hagiographie de « l’homme du 18 juin », grand homme d’Etat et chef de famille aimant quoique maladroit, ce portrait subjectif n’oublie pourtant pas les aspects moins glorieux du Grand Charles : une suffisance souveraine (il parle souvent de lui à la troisième personne), un autoritarisme sans bornes, une propension au mépris qui touche jusqu’à ses grognards les plus zélés (Chabn-Delmas, taxé de « fumiste »), une rouerie politique digne du « système des partis » qu’il vilipendait tant par ailleurs, une rigidité morale quasi puritaine qui focalisera, quelques années plus tard, l’hostilité de la jeunesse. Même saisi en majesté, il y a une vraie beauté crépusculaire dans cette vision d’un homme d’exception que son intransigeance comme sa stature hors norme vouent un jour ou l’autre à l’incompréhension. Et à la solitude…